Jung et l’interpréte

Reprenons  la voix féminine qui interprète ce que fait Jung, en rédigeant ses phantasmes.

Pratiquant l’imagination active en ayant personnifié en premier mon ombre (avant d’envisager une autre personnification), il ne fait aucun doute que l’inconscient parle.

La voix féminine  émet une opinion «  c’est de l’art ».

Que nous dise les neurosciences sur cette faculté d’émettre des  opinions, des jugements, que nous rencontrons dans le délire d’interprétation et  dans toutes les paroles automatiques  négatives, destructrices, à la base de nombreux troubles mentaux. Et notamment dans les TCC au niveau des idées dysfonctionnelles.

L’étude  des personnes au cerveau divisé ont  amené Gazzaniga à élaborer son concept  » d’interprète « , situé dans l’hémisphère gauche de notre cerveau. Dans l’une de ces expériences classiques, le patient au cerveau divisé devait pointer avec ses deux mains deux objets correspondant à deux images vues sur l’écran divisé, donc par chacun de ses hémisphères isolés.

Dans l’essai illustré ci dessus:
  • -la main gauche pointe la pelle parce que l’hémisphère droit, qui la contrôle, a vu la scène d’hiver;
  • -la main droite pointe la poule, parce que le cerveau gauche a vu la patte de poule.
Mais lorsqu’on demande au patient d’expliquer pourquoi sa main gauche pointe la pelle, son hémisphère parlant (le gauche), n’a pas accès à l’information vue par le droit et  » interprète  » son comportement, en répondant que c’est parce qu’on utilise une pelle pour nettoyer le poulailler !
Ce type d’expérience montre à quel point notre cerveau est prompt à fournir des justifications langagières inconscientes,  pour expliquer notre comportement.

 

Dans une autre  expérience, on avait présenté à l’hémisphère droit d’une femme la photo d’un nu. Questionnée sur la nature de la photo, la patiente s’est mise à rire en expliquant qu’elle ne savait pas pourquoi elle riait, mais que c’était peut-être à cause de la machine qui projetait les images.

 

Michael Gazzaniga, , montra que ces  » deux consciences  » semblaient pour le moins asymétriques. L’hémisphère gauche dominant le droit par l’entremise de ce que Gazzaniga a appelé :  » l’interprète « .

Pour Gazzaniga, seul cet interprète de l’hémisphère gauche qui possède les fonctions langagières complexes, a une véritable conscience spécifiquement humaine.

Une de ses patientes connut un jour une opposition ente ces deux consciences au moment de choisir une robe, sa main droite commandée par le cerveau gauche saisit une robe chaude dans l’armoire car il faisait froid, par contre sa main gauche ne voulait pas lâcher une robe d’été plus jolie.


Gazzaniga demandait à un patient de fixer le centre d’un écran. À un moment, le mot sorté est brièvement flashé à la gauche de l’écran, donc perçu uniquement par l’hémisphère droit. Cet hémisphère est capable de lire et de comprendre cet ordre, mais ni de le prononcer, ni d’en informer l’hémisphère gauche. Résultat : le patient se lève et se dirige vers la porte. « Où allez-vous ? », lui demande Gazzaniga. « j’ai soif, je vais chercher un jus de fruit », répond le patient

On aurait pu imaginer que l’hémisphère gauche (qui ignore la cause réelle du comportement) réponde : « Je ne sais pas », au contraire, le voilà qui formule une fiction (la soif) à laquelle il croit et qui donne un sens à son propre comportement.

 

Chose certaine, les expériences faites avec des patients au cerveau divisé, ont mis en évidence l’importance de ces histoires que nous nous racontons constamment, pour maintenir une image cohérente de nous-même, et de nos actes.

D’autant plus que nous savons maintenant, que ces phrases ont d’abord été créées inconsciemment, 350 à 400 millisecondes avant que la conscience n’ait l’intention de les prononcer.

Ces interprétations sontt complètement irrationnelles, car les complexes inconscients ne disposent  pas d’un centre dénommé le Moi, ou l’ego, qui représente la petite île au milieu de l’océan, qui permet la conscience réflexive.

Mais comme le dit si bien Jung:

« Il est exclu que l’inconscient puisse être entièrement ‘vidé’ pour la simple raison que ses forces créatrices sont toujours en mesure d’engendrer des formes nouvelles. La conscience, si vaste qu’elle puisse être, est et reste le petit cercle à l’intérieur du grand cercle de l’inconscient, l’île environnée par l’océan ».

 

Cette faculté  d’interprétation  de l’hémisphère gauche, est la confirmation  scientifique de la découverte par  Carl Gustav Jung,  que l’inconscient non seulement parle, mais aussi qu’il interprète nos actions.
Les découvertes de Carl Gustav Jung au début du XX siècle, sont parfaitement solubles avec les neurosciences  intervenant  90 années plus tard.

Car cet interprète Carl Gustav Jung l’a souvent rencontré, en travaillant avec Eugen Bleuler à la clinique psychiatrique du Burghölzli, où ils ont  étudié les psychoses, et notamment le délire d’interprétation .

 

Pour en savoir plus sur la notion d’interprète:

  • Le syndrome d’héminégligence dans ce syndrome lors d’une lésion de l’hémisphère droit les patients n’ont plus conscience de la moitié gauche de l’espace, et parfois de la moitié gauche de leur corps. Le patient qui en est atteint ne prêtera pas attention à un interlocuteur situé à sa gauche, ne lira que les colonnes de droite d’un journal.

Lionel Naccache page 386, « Le nouvel inconscient »;

Ainsi si vous êtes seul avec un patient souffrant d’une héminégligence gauche et que vous lui demandez combien de personnes sont présentes, il pourra vous répondre:

« deux personnes , vous et moi.

-Combien de mains différentes sont alors présentes dans cette chambre?

-Quatre, vos deux mains et mes deux mains. »

Si vous lui montrez sa propre main gauche paralysée et que vous lui demandez ce que c’est, il pourra vous répondre:

-« Une main, c’est une main .

-A qui est elle ? A vous ?

-Assurément non, ce n’est pas ma main !

-A qui est elle alors? Elle n’est pas à moi non plus regardez je vous montre mes deux mains. »

Il m’est arrivé d’entendre alors un patient négligent me répondre, un léger sourire aux lèvres:

« Vous avez peut être trois mains, en tout cas ce n’est pas ma main ! »

 

  • L’amnésie de Korsakov véritable maladie de la mémoire caractérisée par un oubli massif des informations. Cette maladie a pour conséquence que la personne va substituer à la place du souvenir réel,  d’autres récits de ce qui s’est passé  elle va interpréter en dehors de la réalité, elle va confabuler.

Lionel Naccache page 389: « Le nouvel inconscient  : Freud, Christophe Colomb des neurosciences » Paris, Éditions Odile Jacobpage

Le patient atteint d’un tel syndrome est enfermé dans un perpétuel présent dont il ne conserve aucune trace consciente. Lorsque vous les interrogez sur ce qu’ils ont fait la veille au soir , plutôt que de vous répondre quelque chose comme : « Tiens, hier soir je n’ai aucune idée de ce que j’ai pu bien faire. Donnez moi un indice, je vais essayer de me rappeler », ces patients confabulent, c’est-à-dire qu’ils mettent à vous raconter, et à se raconter à eux-mêmes, des histoires vraisemblables : « Hier soir, je suis allé dîner dans ce bon  restaurant près du Palais Garnier avec quelques amis ». Ces narrations n’ont qu’une faille : elles sont complètement  fictives. Le patient était dans sa petite chambre d’hopital, là même où il réside depuis plusieurs jours.

 

  • -Le syndrome de Capgras ou délire d’illusion des sosies est un trouble psychiatrique dans lequel le patient , tout en étant parfaitement capable d’d’identifier la physionomie des visages  , affirme envers et contre tout que les personnes de son entourage ont été remplacées par des sosies qui leur ressemblent parfaitement.

Ce syndrome délitrant été décrit par Joseph Capgras en 1923. Il appartient au groupe des psychoses chroniques non dissociatives qui surviennent chez l’adulte. Le délire consiste à méconnaître l’identité d’un familier alors que sa reconnaissance formelle paraît préservée. Par exemple le patient, se retrouvant face à un proche, interprète que ce dernier a été remplacé par quelqu’un qui lui ressemble, un sosie, mais que ce n’est pas la personne qu’il connaît.

L’examen des détails (couleur de cheveux, yeux) le renforce dans son interprétation irrationnelle : ce n’est pas vraiment la bonne personne. Le patient vit très mal la proximité avec ces sosies qui n’ont pas d’individualité, pas de nom.

 

 

 

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