
La souffrance mentale provient en grande majorité de pensées verbales toxiques, d’idées destructrices, d’interprétations dysfonctionnelles, ayant pour épicentre l’inconscient personnel mais surtout l’inconscient collectif.
Sigmund Freud et Carl Gustav Jung, ont toujours considéré que « le moi n’est pas le maître dans sa propre maison » (Freud) et que « nous procédons de l’idée simpliste que nous sommes le seul maître dans notre propre maison »(Jung).
Carl Gustav Jung 1875-1961, psychiatre, fondateur de la psychologie analytique à qui on doit les concepts d’inconscient collectif, d’archétype, de synchronicité. Va découvrir en 1904 par les tests d’association les complexes inconscients autonomes porteurs d’affects.
Il est l’un des premiers psychiatres à constater, que les complexes inconscients utilisent le langage verbal, et sont à l’origine de toutes nos idées, de nos processus mentaux.
La première rencontre de C.G.Jung avec son complexe féminin « l’ anima » est décrite dans son livre « Ma vie »(3) page 215.
« Tandis que je rédigeais ces phantasmes, je me demandais un beau jour :
« Mais qu’est ce que je fais ? Tout cela n’a surement rien à voir avec de la science. Alors, qu’est ce que c’est ? » Une voix dit alors en moi : « c’est de l’art. »
Je savais que la voix provenait d’une femme et je la reconnus pour être la voix d’une malade. Elle était devenue un personnage vivant à l’intérieur de moi-même.
Plein de résistances, j’expliquai à la voix, instamment, que mes phantasmes ne pouvaient, en aucune façon, être mis en relation avec de l’art. Elle se tut alors, et je continuais à écrire quand se produisit une nouvelle attaque , répétant la même affirmation: « C’est de l’art . »
Plus tard je compris qu’il s’agissait dans cette figuration féminine en moi d’une personnification typique ou archétype dans l’inconscient de l’homme , et je la désignais du terme d’ anima.
J’appelai la figure correspondante dans l’inconscient de la femme animus. »
C.G.Jung découvre que l’inconscient utilise à l’état diurne, indépendamment de la conscience, le langage verbal « notre petite voix intérieure ».
Il constate que les complexes inconscients émettent des jugements, des opinions, qu’il sont à l’origine de toutes nos idées positives, négatives mais surtout qu’ils interprètent nos actions.
Cette interprétation inconsciente est confirmée par les travaux de Michael Gazzaniga (4). L’une de ses découvertes la plus remarquable a été de prouver que nous avons tous et toutes un module inconscient qu’il dénomme « l’interprète ». Il écrit «ce que nous disons n’est que l’interprétation de ce qui se passe à un niveau inconscient et que souvent cette interprétation est erronée, le cerveau gauche arrange les choses pour leur donner un sens» .
Cette découverte stupéfiante par C.G.Jung, en 1913 que nos complexes nous parlent n’a pas été vulgarisée à sa demande tant elle était révolutionnaire. Elle aurait été analysée par la psychiatrie traditionnelle, comme une hallucination auditive verbale, symptôme de psychose. Louis Francisque Lélut (5) médecin (1804-1877) a diagnostiqué Socrate comme fou car il dialoguait avec son esprit divin.
Ce n’est que le jour de sa mort dans son autobiographie « Ma vie » parue dans sa version originale, que C.G.Jung relata ses dialogues avec ses voix.
Cette découverte de pouvoir dialoguer avec nos complexes inconscients après plus d’un siècle est confirmée par les neurosciences. Produire du langage verbal est beaucoup trop complexe pour notre conscience trop lente et limitée. L’inconscient via le cerveau produit la parole apprise naturellement dès les premiers mois de notre vie.
De nombreux neuroscientifiques considèrent que notre conscience vit toujours dans le passé. Nos processus mentaux et sensoriels nécessitent un traitement inconscient via le cerveau de plusieurs millisecondes, avant de franchir le seuil de notre conscience.
Le plus célèbre est Benjamin Libet, chercheur au département de physiologie à l’université de Californie à San Francisco est un scientifique pionnier dans le domaine de la conscience humaine.
Il conçut un ensemble d’expériences dans lesquelles, des sujets devaient au moment de leurs choix, accomplir un acte volontaire, (exemple fléchir le poignet).
Libet décida de chronométrer trois événements :
– 1)le début de l’activité électrique cérébrale pour préparer le mouvement ;
– 2)le moment où le sujet avait l’impression subjective de décider consciemment d’effectuer le mouvement en regardant un oscilloscope gradué en millisecondes ;
– 3)le début du mouvement volontaire simple fléchir le poignet.
Les résultats surprenants démontrèrent que c’est le début de l’activité électrique cérébrale pour préparer le mouvement qui commence le premier à environ 550 millisecondes (ms) avant l’action. Ensuite il faut 350 millisecondes (ms) pour que le sujet rapporte son intention préalable d’exécuter le mouvement qui survient finalement 200 ms plus tard.
Cette expérience confirme scientifiquement que la conscience volontaire arrive beaucoup trop tard pour être à l’origine de l’action.
Les expériences de Libet soulignent que dans le cadre de tout acte volontaire, ce qui se produit est d’abord inconscient, avant de devenir conscient.
Dans son livre « L’esprit au delà des neurones » il écrit : « Dans le cas de la parole, cela signifie, par exemple, que le processus de verbalisation et même le contenu de ce qui doit être dit, a été initié et préparé inconsciemment avant que la parole elle-même ne s’enclenche. »
Cette expérience a été vérifiée par d’autres scientifiques et notamment Patrick Haggard (6), John Dylan Haynes(7) , Itzhak Fried(8) .
Mais pour confirmer les travaux de Libet dans le cas de la parole, il manquait l’expérience qui définitivement apportait la preuve scientifique que la parole est toujours préparée inconsciemment avant de franchir le seuil de la conscience.
Ned Sahin (9)a demandé à une patiente épileptique, dont le foyer était proche de l’aire de Broca (10), l’autorisation d’étudier la production du langage verbal.
Après une opération chirurgicale la grille d’électrodes est positionnée directement sur le cortex. La patiente dans l’attente des crises d’épilepsie se place devant un écran. Elle pour instruction de lire et de répéter silencieusement un verbe et de le conjuguer ;
« marcher.
chaque jour ils marchent.
hier ils ont marché. »
Ned Sahin après enregistrement de l’activité de l’aire de Broca a constaté
la présence de trois pics d’intensité de l’influx nerveux.
– 1er pic à 200 millisecondes correspond à la phase lexicale et sémantique (répétition silencieuse du verbe) marcher.
– 2 éme pic à 320 millisecondes correspond à l’étape grammaticale chaque jour ils marchent.
– 3 éme pic à 450 millisecondes correspond à l’étape phonologique avec une prononciation différente de sa forme initiale hier ils ont marché.
Ce n’est qu’ensuite que l’aire de Broca (10) transmet la phrase au cortex moteur qui lui déclenche l’appareil phonatoire. La prise de conscience de notre intention de parler, ne se produit qu’après 450 millisecondes(ms). C’est à ce moment que consciemment nous pouvons décider de prononcer la phrase ou refuser.
Ces travaux confirment que la production du langage verbal est inconsciente. Que la conscience éprouve l’intention de parler 450 millisecondes(ms) après trois étapes (lexicale, grammaticale, phonologique) indispensables à la production de mots, de phrases.
C’est la première fois que l’on pouvait décrire aussi précisément la production de parole par le cerveau.
Cette découverte n’a rien de surprenant dans le sens où nous avons une capacité innée à apprendre inconsciemment à parler. Les 3/4 de la population en dormant parlent durant la phase de sommeil paradoxal. Dans le somnambulisme dissociatif nous parlons en l’absence de toute conscience, ainsi que dans les états modifiés de conscience comme l’hypnose.
Pendant plusieurs millénaires il y a toujours eu des êtres humains qui entendaient et dialoguaient avec des bons ou mauvais génies pris au sens le plus large du terme.
Lorsque nous lisons, il y a production de langage verbal, Jean-Philippe Lachaux(11) directeur de recherche à l’Inserm, s’est intéressé à la lecture silencieuse et a constaté que les aires cérébrales auditives en charge du traitement du langage verbal sont activées lorsque nous lisons. Le cerveau interprète la lecture comme s’il entendait une voix extérieure, l’inconscient traduit l’écriture en langage verbal.
Les conséquences du dialogue avec des complexes inconscients par Carl Gustav Jung en 1913 et la confirmation par les neurosciences que la production du langage est inconsciente sont considérables.
La première est que notre conscience est sous l’influence permanente de l’inconscient, c’est à dire que nous vivons dans une forme de manipulation permanente.
La deuxième est que toute relation humaine est faite en grande partie de projections, exemple toute relation entre une femme et un homme a d’abord été voulue et décidée par l’inconscient.
La pratique de l’imagination active par C.G.Jung marque la fin de l’analyse en psychologie analytique. Elle était exigée par Jung pour les analystes proches de lui. Notamment Marie Louise von Franz (12) et Barbara Hannah (13) ont publié deux livres après sa mort sur cette pratique.
L’ imagination active est simplement de laissez advenir les complexes sans les refouler, et de choisir en pleine conscience ce qui nous convient selon nos valeurs. C’est une méthode qui s’apparente à la méditation Vipassana enseignée par le Bouddha Il y a 2500 ans. C’est la pleine acceptation de la réalité de nos complexes inconscients et l’acceptation que notre conscience ou égo n’est pas à l’origine de nos processus mentaux, ni de nos actions.
Cette découverte de C.G.Jung confirmée par la science prouve que d’entendre des voix ne peut plus être considéré comme un symptôme de maladie mentale, à moins de faire preuve d’obscurantisme.
Nous vivons encore à ce jour dans un état d’inconscience incroyable, le XXème siècle a été l’un des plus meurtriers de toute l’histoire de l’humanité, ce qui fait dire à C.G.Jung « Notre homme sans reproche est un européen moderne dans le monde quotidien mais pour ce qui est du monde des esprits il se situe au niveau d’un enfant des temps paléolithiques. »
Christian Verdeau
1/ La Society for Psychical Research est une association à but non lucratif britannique fondée en 1882, dont l’objectif est d’étudier d’un point de vue scientifique les phénomènes décrits comme paranormaux
2/ C.G. Jung livre « La psychologie du transfert« .
3/ C.G Jung livre « Ma vie« : Souvenirs, rêves et pensées page 215.
4 / Michael Gazzaniga Université de Californie Santa Barbara « Le libre arbitre et la science du cerveau » livre Cécile Jacob.
5/ Louis Franquiste Lélut, « Du démon de Socrate » spécimen d’une application de la science psychologique à celle de l’histoire : Librairie de l’Académie Impériale de médecine 1856.
6/ Patrick Haggard, chercheur en neurosciences University College de Londres écrit . « Nous croyons faire des choix, mais ce n’est pas vrai. » L’inconscient dans son expérience prend la décision 1000 millisecondes(ms) avant la prise de conscience.
7/ John Dilan Hayne neuroscientifique rattaché au centre Bernstein de neurosciences computationnelles (BCCN) de Berlin, écrit « Autrement dit, c’était comme si, bien avant que les sujets soient conscients de faire un choix, leur cerveau avait déjà pris une décision. » L’inconscient dans son expérience prend la décision plusieurs secondes avant la prise de conscience.
8/ Itzhak Fried, professeur du département de Neurologie des Universités de Tel-Aviv et de Californie(Los Angeles).L’inconscient dans son expérience prend la décision 1 seconde avant la prise de conscience.
9/ Ned Sahin, université de Californie à San Diego: http://www.nedsahin.com/wp-content/files/sahin_la_recherche_article.pdf
10/ Paul Broca médecin, anatomiste et anthropologue 1824-1880 découvre le centre de la parole dans le cerveau.
11/Jean Philippe Lachaux http://www.medisite.fr/a-la-une-d-ou-vient-notre-petite-voix-interieure.383778.2035.html .
.12/Marie-Louise von Franz livre « Alchimie et imagination active » .
13/ Barbara Hannah livre « Rencontres avec l’âme : L’imagination active selon C.G. Jung. »